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Faut-il interdire les trottinettes en libre-service à Paris ?

Consultation des résultats de la votation « Pour ou contre les trottinettes en libre-service ? »

Consultation des résultats par arrondissement

 


 

Écrit par Ariel Weil, Maire de Paris centre et publié dans La Tribune – 20 Févr 2023, 10:07 :

 

Faut-il voter pour ou contre l’usage de la trottinette en libre-service à Paris ?

 

Les questions à se poser avant de voter.

 

J’avais, dès 2019, pris la plume dans les pages du Monde (1) pour témoigner de la transformation profonde de l’espace public parisien que nous avions entreprise, mais aussi du vide juridique auquel elle s’affrontait, et déjà, de la question de la régulation des trottinettes en libre-service qui l’envahissaient alors de manière anarchique. Maire du 4e arrondissement de Paris puis de Paris Centre (2), je me félicite de l’espace que nous regagnons chaque jour au profit des piétons, des usagers des transports en commun et des cyclistes. La refonte du plan de circulation de Paris centre, en anticipation du lancement de la zone à trafic limité, est un nouveau pas dans la reconquête de l’espace public. Mais cet espace reconquis par nos efforts est toujours sous le coup de nouveaux usages qui, sans une forte régulation, menacent de l’accaparer : de l’explosion des terrasses depuis la crise COVID, à celle des trottinettes électriques en libre-service depuis 2018.

Après cinq ans de présence des trottinettes en libre-service à Paris, la question se pose toujours dans les mêmes termes : faut-il les interdire ou suffit-il de réguler ?

Au terme de longs mois de dialogue avec les opérateurs, la Maire de Paris a décidé de soumettre ce choix au vote des Parisiennes et des Parisiens. Qui mieux que les usagers, de tout mode et de tout âge, pour statuer sur la place de ces engins qui ont largement bouleversé les usages de nos rues ces dernières années ?

Avant d’aller voter le 2 avril prochain, j’estime que les Parisiennes et les Parisiens consultés doivent se poser deux grandes questions.

La première question est simple : est-il possible de réguler les trottinettes électriques en libre-service ?

Il me semble que la réponse est oui, dans les grandes lignes. Ce bouleversement, nous l’avons maîtrisé, même si nous revenons de loin. Chacun a gardé en mémoire l’anarchie que s’était installée sur les trottoirs, semant la panique chez les piétons et la zizanie dans les rues, sans aucun texte à même de les réguler. Nous avons mené un travail de longue haleine d’abord contre, puis avec les opérateurs pour réguler l’usage des trottinettes à Paris. Il y a eu d’abord la création de zones de stationnement dédiées et la campagne impitoyable de mise en fourrière pour les trottinettes roulant ou stationnant sur le trottoir, que j’avais inaugurées dès 2018 dans le 4e arrondissement de Paris malgré un cadre législatif alors inexistant.

Puis le lancement de l’appel à concurrence a réduit le nombre d’opérateurs et d’engins autorisés en les inscrivant dans un cadre contractuel, une fois un décret ad hoc adopté par le gouvernement (3) pour faire entrer les trottinettes dans un cadre légal. Depuis, nous n’avons pas relâché nos efforts. Tout au long de la convention signée avec les trois opérateurs, qui prendra bientôt fin, nous avons promu de nouvelles règles pour renforcer l’encadrement : slow zone à 10km/h et no go zone dans les parcs et jardins notamment, que nous avons expérimentées avec succès dans le centre de Paris.

De nouveaux engagements sont en discussion pour améliorer encore la sécurité des usagers, avec l’interdiction de monter à deux usagers ou encore la prévention contre la conduite en état d’ivresse. Enfin, nous avons mis en place une police municipale, compétente pour verbaliser les infractions aux règles de circulation ou de stationnement.

Aujourd’hui, je pense pouvoir dire que nous avons à peu près réussi le pari de la régulation et trouvé, in fine, un équilibre entre les différents modes. Pourtant, certaines fragilités persistent et la trottinette reste la bête noire des piétons, faute d’avoir su améliorer son image. Elle reste, en effet, particulièrement accidentogène, puisque 26% de ses utilisateurs ont déjà eu un accident (contre 15% pour les vélos en libre-service*).

La deuxième question appelle selon moi une réponse moins rassurante : qu’apportent les trottinettes électriques en libre-service à la mobilité urbaine parisienne et à l’intérêt général ?

Le verdict est assez négatif de ce point de vue : l’usage de la trottinette en libre-service n’encourage pas la démotorisation des Parisiennes et des Parisiens. Il remplace en premier lieu les modes actifs que nous souhaitons prioriser, dont la marche (29%* à 47%**), et les modes collectifs, c’est-à-dire les transports en commun (29%* à 34%**). Lorsque l’on comprend que la trottinette électrique décourage le piéton de marcher, le doute s’installe. À l’heure du grand consensus sur les bénéfices de la marche à pied, mode dominant de mobilité, faut-il soutenir une mobilité qui est en contradiction avec nos objectifs de santé publique ?

Lorsqu’à ce constat s’ajoutent des problématiques environnementales liées à l’impact carbone négatif des trottinettes et de leurs batteries, il devient plus difficile encore de les défendre. On peut noter à ce sujet que les études se démentent, démontrent tout et son contraire s’agissant de leur durée de vie, de l’impact environnemental de leur production et de leur maintenance, et des autres modes de mobilité auxquels elles se substituent. Si les chiffres de l’opérateur LIME indiquent que 19%(4) de leurs usagers auraient utilisé une voiture, un scooter ou une moto en l’absence de trottinette, l’étude du bureau de recherche 6T* précitée révèle que seuls 3% des usagers de trottinettes en libre-service se seraient rabattus sur ces modes motorisés individuels, préférant se reporter sur des modes actifs ou collectifs (vélo et bus en priorité).

Comment répondre alors à notre question ? Les trottinettes font-elles désormais partie du paysage urbain parisien ? Est-il possible de concilier liberté de se déplacer, nouvelles mobilités, sécurité routière, démotorisation ?

Il faut ici regarder plus finement les usages pour le constater : la trottinette électrique en libre-service n’est ni universelle, ni populaire. Utilisées en majorité par des cadres supérieurs masculins, les trottinettes semblent incapables de dépasser le statut de gadget de la micro-mobilité, avec un modèle peu vertueux, qui apporte davantage de confusion sur un espace public parisien déjà saturé. Voilà pourquoi les modes de transport que nos politiques publiques encouragent et favorisent au quotidien demeurent inchangés : la marche avant tout, et son corollaire le transport en commun, ainsi que le vélo, en favorisant pour la circulation des véhicules motorisés les usages prioritaires (services publics, commerce, personnes âgées ou à mobilité réduite, riverains). Quant aux trottinettes, du point de vue de l’intérêt général, il apparait à la réflexion que l’on peut sereinement s’en passer, comme le font Toulouse, Montpellier ou Barcelone, et sur les faibles distances pour lesquelles elles sont utilisées, prendre le temps de marcher.

Voilà ma conclusion : le 2 avril prochain, il appartiendra à chacun de se saisir de ces éléments pour se forger la sienne, avant d’aller voter.

Ariel Weil

_______

(1) WEIL, Ariel, Trottinettes : « La régulation plutôt que l’interdiction », Le Monde, 12 juin 2019.
(2) La réunion des 4 premiers arrondissements de Paris, depuis juillet 2020.
(3) Décret n° 2019-1082 du 23 octobre 2019 relatif à la réglementation des engins de déplacement personnel.
(4) LIME, Usage des services Lime dans Paris centre, 2022

(*) Etude 6T sur le micromobilités à Paris – mai 2022
(**) Étude 6T-ADEME, Usages et usagers des trottinettes électriques en free-floating en France, juin 2019

 


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Mise à jour 30 mars 2023 – Dépêche AFP  – Propos recueillis par Pierrick YVON – pyv/pga/ybl

PARIS, 30 mars 2023 (AFP) – L’interdiction des trottinettes en libre-service à Paris « réduira les nuisances » dans l’espace public, affirme la maire Anne Hidalgo dans un entretien à l’AFP avant la votation citoyenne sur le sujet dimanche, une première dans la capitale.

QUESTION: Le règlement de la votation stipule que l’avis des citoyens sera « pris en compte ». Comment réussir à motiver les électeurs s’il n’est que consultatif?

REPONSE: « L’avis des Parisiens m’engagera. Les trottinettes en libre-service sont un sujet de crispation, d’inquiétude dans leur vie quotidienne. Cette votation citoyenne, qui est une première, s’apparente au référendum même si elle n’en a pas la forme légale. J’ai souhaité les mêmes conditions que pour une élection classique. »

Q: Mais ni les procurations, ni le vote électronique ne sont possibles, et il n’y a que 21 sites de vote dans tout Paris…

R: « On a choisi, pour cette première, de regrouper les 203 bureaux de vote en mairies d’arrondissement, le plus souvent, car c’était plus facile pour l’accueil. C’est un exercice démocratique nouveau et il sera réitéré chaque année. »

Q: Combien va coûter cette votation?

R: « On le saura après. C’est le prix de la démocratie. Tout ce qui peut permettre la démocratie, le dialogue, la concertation, la consultation, vaut mieux que les blocages et les replis sur soi. »

Q: Combien d’électeurs faudra-t-il pour que vous la considériez comme une réussite?

R: « Peu importe le nombre. La première année du budget participatif (en 2014), on avait compté quelque 30.000 votants et aujourd’hui, on est autour de 200.000. Ce sont des outils de démocratie participative qui s’améliorent en les utilisant. »

Q: Si les trottinettes en libre-service sont exclues de Paris, les nombreuses nuisances sur l’espace public seront-elles réglées pour autant? Quid des trottinettes privées?

R: « Inévitablement, ça réduira les nuisances. Une étude montre qu’à Lyon, il y a eu sept fois plus d’accidents en un an à l’arrivée des trottinettes en 2019. C’est un modèle qui est cher, à la durabilité très contestable, qui se substitue à la marche. On les prend et on les jette alors que les trottinettes personnelles, c’est différent, on peut les amener chez soi, au travail, voyager avec, on en prend soin. »

Q: Mais de nombreux Parisiens déplorent les incivilités d’autres usagers, notamment des vélos, qui les mettent en danger dans les rues de la capitale. Vous avez promis de faire adopter à l’été un « code de la rue ». Que contiendra-t-il?

R: « C’est toujours autour de l’usager le plus vulnérable, c’est-à-dire le piéton, que doivent se décider les règles de ce code de la rue. Il sera le fruit d’une élaboration commune avec l’Assemblée citoyenne (des Parisiens tirés au sort, NDLR), les associations de piétons, de cyclistes, d’usagers de transports en commun… Notre police municipale fera respecter ce code de la rue, notamment avec ses outils de vidéo verbalisation. On travaille aussi avec la Préfecture de police, alors que la police nationale s’est complètement désengagée de la circulation à Paris. »

Q: Quant au périphérique, avez-vous la certitude de pouvoir réserver la voie olympique aux bus, taxis et covoiturage après les Jeux?

R: « Oui, ce sera un héritage des Jeux. Nous travaillons avec la Commission nationale du débat public (CNDP) pour établir la méthode et le calendrier du débat dans les semaines qui viennent. C’est un sujet qui dépasse largement Paris. »

Q: Parallèlement, le calendrier de la zone à faibles émissions (ZFE) du Grand Paris, qui interdit l’accès à la métropole parisienne aux véhicules les plus polluants, pourrait de nouveau être décalé…

R: « Je ne suis pas pour un nouveau report, pour que l’on cède face à un lobbying redoutable. Le problème, c’est la dimension sociale de cette transition écologique. Pendant la campagne présidentielle, j’avais proposé un leasing social qui permette aux automobilistes qui doivent changer leur véhicule d’accéder aux véhicules électriques pour 75 euros par mois. Le candidat Macron avait repris lui-même cette proposition. Où en est-on? Nulle part. Il faut qu’il prenne ses responsabilités, qu’il arrête de céder en permanence au lobby des énergies fossiles et accompagne nos concitoyens qui ne peuvent pas aujourd’hui acquérir une voiture électrique ou peu polluante. Quant aux contrôles à distance des plaques d’immatriculation, je suis prête à prendre en charge une partie de cet investissement. »

Q: En 2018, vous aviez promis la fin du diesel en 2024 dans la capitale, et celle des véhicules thermiques en 2030. Ce calendrier est-il tenable ?

R: « Il est tenable, en tout cas sur Paris. Le parc automobile parisien a baissé significativement, j’ai mis en place des aides, et je ne lâche rien. »


 

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